En passant chez mon luthier  cet été, pour un réglage sur le nyckelharpa, j’entends ce son étrange qui sort de la chaîne hifi. En demandant ce que c’est, je tombe sur un groupe dont je n’ai jamais entendu le nom : les Musiciens de Saint-Julien. L’album est encore plus étrange : Beauté barbare. WTF ?

De retour à la maison, je cherche l’album sur Qobuz . Je l’écoute. Cymbalum et cornemuses, on m’avait perdu : je l’ai écouté en boucle tout l’été.

Le programme est de la musique slave et polonaise baroque, à partir de manuscrits anonymes et de pièces collectées par Georg Philip Telemann. Oui mais…

Il y a baroque et baroque. Il y a les résidus de fond de conservatoire aigris, qui égrènent mornement leurs doubles croches avec une précision métronomique qu’ils confondent pour une qualité, et puis il y a les autres, ceux qui ont fait leurs recherches et ont compris que le baroque, c’est de la musique qui se danse, même quand ce ne sont pas des danses, même Bach, surtout Bach, et encore plus Telemann.

La musique baroque était interprétée à l’époque beaucoup plus librement que ce qu’on nous enseignait au conservatoire, même si la liberté était codifiée dans des traités et sujette à différente règles déduites de la pratique, mais du moins la partition n’était pas à prendre au pied de la lettre et le baroque se swinguait légèrement1. D’ailleurs, en cherchant un peu, François Lazarevitch, le leader du groupe, anime une série de vidéos sur Youtube où il explique des éléments de l’interprétation baroque, à partir des sources historiques :

Le petit traité d'interprétation de François Lazarevitch

Pour revenir à l’album, tout y est brillant. L’interprétation parvient à rendre des pièces de 300 ans terriblement actuelles, animées, vivantes, dansantes. Les pièces en elles-mêmes sont géniales, mélodiquement et harmoniquement, et grâce à l’instrumentation choisie.

En grattant un peu dans les internet, je découvre d’autres albums du même acabit consacré à… la musique celtique. On m’avait perdu une deuxième fois.

Tout est bon, ils sont fatiguants… En plus ils organisent des stages  de musique folklorique et traditionnelle.


  1. Swinguer signifie ici jouer des rythmes écrits réguliers (du moins, si l’on applique la théorie musicale à la lettre) de manière irrégulière, en traînant un peu sur certaines notes pour les accentuer, puis en rattrappant le retard en écourtant les suivantes, ce qui a pour effet de casser la monotonie des phrases. ↩︎