Ma grand-mère s’est mise au piano à 81 ans. À la base, c’était pour contrôler la progression de sa polyarthrite. Pas grand chose, juste des gammes. Et puis ça n’a plus suffit. Je lui ai écrit cette partition spéciale débutant, qui évolue en même temps qu’elle.

Le début est un do majeur basique où l’on évite les touches noires du clavier et où chaque main joue séparément. On progresse ensuite vers une main droite qui accompagne en accords tenus qui tombent bien sous les doigts (quartes et quintes), mais qui commencent à moduler pour éviter l’effet « carillon de Westminster ». À ce moment-là, mamie a cru que les doigtés étaient décoratifs et a commencé à les prendre comme des suggestions optionnelles, en mettant n’importe quel doigt n’importe où, mais en s’en sortant plutôt bien vu que c’est simple.

Les mesures 17 et suivantes sont donc un recadrage visant à expliquer par l’exemple que les chiffres sur la partitions ne sont pas là pour décorer, en les rendant obligatoire sous peine de faire des nœuds de phalanges, tout en tombant raisonnablement sous les doigts pour accommoder les raideurs de l’arthrose.

La prochaine étape sera des lignes d’arpèges parce qu’elle a pris la détestable habitude d’attaquer chaque note avec le poignet, et ça, c’est pas possible.